C’était dans le Paris des années trente. Mon père, venant de son Vichy presque natal, posa sa valise en carton sur le trottoir de Pantruche… A un peu plus de vingt ans, les cheveux ondulant sous la gomina et habillé d’un costard de bon faiseur, il huma l’air frais et déjà pollué de la grande ville. La rive droite le tentait. Jeune garçon de café, il essaya plusieurs brasseries parisiennes, puis fila vers une adresse alors fort réputée : 14 boulevard Montmartre.
Là, se trouvait l’élégante brasserie de la Grande Maxéville, marque d’une bière très connue à cette époque.
Pierre se fit embaucher sans problème. Il venait d’en prendre pour 35 ans et ne le savait pas…
Quelques archives familiales vont me permettre d’évoquer l’histoire de cet établissement parisien disparu dans les années soixante-dix. Jugé totalement ringard, il fut démoli pour être remplacé par un cinéma multisalles, très en vogue à l’époque.
Présenté comme le « dernier café concert de Paris », il fut enterré sans tambour ni trompette. Aujourd’hui ne restent que quelques souvenirs : des menus, des cartes postales et des photographies.
Le « dernier café concert de Paris » avant sa disparition
« Vision brève. Les grands boulevards et principalement le boulevard Montmartre ont été de tous temps un des centres de Paris qui exercent le plus d’attirance auprès des Etrangers, des Provinciaux et aussi des Parisiens. C’est en effet l’artère centrale de la capitale. Des commerces nombreux et variés, des cafés, des restaurants, des spectacles se pressent sur le fameux Boulevard. Dès la tombée de la nuit, une à une, les enseignes s’allument, les façades s’illuminent; le Boulevard s’éclaire de mille feux variés. Là, un musée, en face un théâtre, là encore un cinéma… Enfin, les surpassant tous par son éclat :
LA MAXEVILLE
La Maxéville forme, si l’on peut dire, la toile de fond de la rue Vivienne, artère principale du coeur financier de Paris. Dès 11 heures, et durant toute la journée, un service spécial fonctionnera dans un cadre accueillant avec menus à prix fixe et à la carte, permettant de satisfaire les plus difficiles. Dans le courant de la journée, en matinée, un orchestre de premier ordre se fera entendre jusqu’à 18 h 30, permettant aux amateurs, soit de déguster un thé, ou l’apéritif dans un cadre unique.
A la suite, pendant le dîner, l’orchestre reprendra le cours de ses auditions dès 20 heures pour terminer bien après minuit. Tout cela réalisé dans des salles uniques ou l’atmosphère conditionnée donne le maximum de confort à la clientèle; c’est à dire température et humidification maintenues au degré le plus favorable à l’organisme, avec renouvellement constant de l’air et enlèvement permanent des fumées. Le conditionnement d’air et les installations annexes de La Maxéville sont uniques à Paris. demandez à les visiter. »
J’ai extrait ce texte d’une ravissante plaquette illustrée à couverture métallique dorée. Sur le dessus et au dos, figurent les silhouettes de deux lutins :
Les lutins de la Grande Maxéville
Les membres de personnel prétendaient qu’ils représentaient les silhouettes des patrons, les frères Marque, deux « aventuriers commerçants » auvergnats. Naturellement, ils plaisantaient.
La grande Maxéville fut fondée en 1901, et sur une photographie prise sur le trottoir en 1932, nous devinons son ancienne devanture :
C’est l’agence de l’architecte Joachim Richard (1869-1960) qui réalisa les plans de la nouvelle Grande Maxéville. Le gendre de celui-ci, Georges Roehrich dessina un établissement d’un style « Art déco » très pur.
Qu’on imagine cette salle couverte des miroirs gravés, sur la hauteur d’un étage – y-compris le plafond ! – et on aura une petite idée de ce que fut cette merveilleuse brasserie. Seules restent aujourd’hui quelques photos :
La salle vue du balcon
Tout un côté de la salle, à droite en entrant, était couvert d’un immense miroir, qui donnait au client l’illusion d’un lieu deux fois plus grand!
L’escalier d’honneur : on aperçoit à gauche l’aquarium qui y était intégré!
Une vue plongeante vers la salle et la scène de l’orchestre
Un puits artésien foré dans les sous-sols et un système de climatisation ad-hoc permettaient de garantir aux clients un air plus frais et plus pur qu’à l’extérieur, luxe inouï pour cette époque!
Vue du système de climatisation
Des lutins dansaient en ribambelles, sur le store, sur les murs, au plafond! Ils symbolisaient la fête parisienne et la joie de vivre et apportaient une indéniable touche de fantaisie à cet endroit tout en lignes droites…
Les lutins du store
Une autre vue de la salle
La colonne en miroirs gravés de l’escalier d’honneur
On aperçoit quelques lutins du plafond…
Mon père connut les « Grands boulevards » à une époque encore florissante. Les commerces de luxe s’y étalaient, une activité nocturne permettait au restaurant de faire salle comble très souvent. Les théâtres, dont celui des « Variétés » situé sur le trottoir d’en face, amenaient une part de la clientèle. Dans la journée, on venait siroter un verre en écoutant l’orchestre. De nombreux artistes passèrent en « attraction » à la Maxéville.
Puis, après la seconde guerre mondiale, les habitudes évoluèrent, et la brasserie devint désuète… Quelques petites mémés à toutous, des habitués bien raisonnables ne purent suffire à maintenir l’établissement devenu vieux… et moche!
Il ferma ses portes et le sublime décor du restaurant fut réduit en poussières. Le plafond en miroirs couverts de lutins fut démonté pièce par pièce. Il doit décorer aujourd’hui quelque villa de Californie…
Quelques images :
La façade vers 1935
Réveillon du 31 décembre 1938
Pour rêver un peu…
Le plus ancien! hélas…
Cliquez sur l’image et bon appétit!
Salut au drapeau! Papa songeur…
Le destin d’un commerce est de laisser la place à un autre plus lucratif. La Maxéville ferma ses portes et laissa plusieurs des membres du personnel sur le pavé. Mon père, pré-retraité, laissa une part de son âme boulevard Montmartre. La brasserie fut bousillée, et des cinémas la remplacèrent… pour un temps.
Le cinéma ferma ses portes à son tour et le « Hard Rock café » s’installa à son emplacement.
Un jour, une petite dame poussa les portes du tout nouveau café, et montra aux membres du personnel, très intrigués, des cartes postales de la « Grande Maxéville ». Ils en furent héberlués : « quoi? Ca? Ici? Pas possible! » Puis la dame repartit avec ses cartes et le souvenir du jeune homme qu’on lui avait présenté ici-même en 1941, un certain Pierre Trouilleux, qu’elle épouserait l’année suivante.
Bonsoir,
Que d’émotions me remontent en cliquant a l’improviste la maxéville….je fais un album photo sur mon compte Facebook, avec tous ce que j’aime et mon enfance (j’ai 52 ans)…je cherchais des photos des endroits de Paris qui ont berçés mes plus beaux souvenirs, et en marquant la Maxéville (Paris), je tombe pile sur cet endroit magique qui pour moi, me permettait de me coucher très tard lorsque je dormais chez mes gds parents….que de souvenirs, de diners dansants , où j’apprenais a danser avec mon gd père, de réveillons, de soirées où je revenais avec des conffetis, serbacanes, ballons,chapeaux…..brefs! une bonne partie de mon enfance chez mes grds parents…..je suis ravie et émue,j’ai d’ailleurs plusieurs photos de réveillons a la Maxéville….dès que je peux vous les envoyer je le ferais volontiers!
La maxeville …Que de souvenirs …on y allait avec ma mère souvent le jeudi et samedi soir …il m est aussi arrivé de faire des tirages pour des jeux sur scène dans les années 1965 66 j étais alors une enfant de 13 ans …. Et je me souviens très bien de l orchestre de Jean moulin ou il y avait aussi Raymond Jouard et Paul …
Bonsoir,
Mon père a travaillé a la Maxeville comme musicien et chef d’orchestre . Son surnom était Roberty.
Je dois avoir quelques bulletins de salaires et peut être des photos.
je ne sais pas si je vais vous joindre je souhaite que oui
j’ai bien connu votre papa a la maxeville 1952 1953 1954
j’etais un tout jeune commis de restaurant
michel deprez toury 28310
Bonsoir,
Je recherche des renseignements sur une dame « Yvette (Monique) Chamaillard qui pendant l’occupation a dirigé plusieurs orchestres au MAXEVILLE. si jamais cela vous dit quelques chose. merci
Mon oncle J. Lacroix m’a raconté en 2002 avoir travaillé 3 mois à La Maxeville vers 1935: »C’était une des grandes brasseries de Paris. On y servait sept ou huit cents couverts à midi. Il y avait un orchestre. Nous étions une quinzaine en cuisine, j’étais commis garde-manger ».
Dans les années 1940 un Monsieur Long disait etre le Patron de la maxeville nous avons vecu a paris Place des victoires avec lui que de souvenirs il a egalement habité a Méré 78 proprieté qu’il a ensuite revendu a Colette l’Ecrivaine
Que de bons moments passes avec mes parents chaque dimanche soir durant des annees ‘ diner au 1er etage table le long du ‘vide’ avec vue sur l ‘orchestre’ reveillons anniversaires. Sans oublier la gentillesse de mr andre et louis les maitres d’hotel.
ces photos m’ont rajeuni de -plus de 50 ans beaucoup de regrets que la maxeville n’existe plus….
bonjour, mon pere a tenu pendant 25 ans le vestiaire l’agence de theatres ainsi que le standart telephonique moi son fils j avais pris la suite pendant trois ans quand j etais petit je jouai avec une petite fille au sous sol j’ai un nom ? beauregard ?? au plaisir
La petite fille s etait moi
je dansais egalement souvent devant les musiciens
au plaisir
En lisant votre texte fort bien écrit, les larmes me vinrent , pourtant sans avoir connu ces années à Paris. J’ai 60 ans, vécu 25 ans à Paris et je constate que l’animation a bien changée, devenue bobo sans guère d’âme, de spontanéité et de joie. Néanmoins profitons encore un peu de cette ville dont les Lumières s’amenuisent peu à peu.
Bonjour
Mon père pierre Mathé à travaillé pendant de longues années en tant que maître d’hôtel.J’y venais de temps en temps ,petit pour savourer de bon petits plats. Si vous l’avez connu faites moi un signe.
Bonjour je vais être bref je me souviens de votre père maître d hôtel de mr courpon a cavignac avec ces lapins en nombre et en liberté.