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Archives pour septembre 2012

Montmartre séjour de la crasse et de la honte, par Max Jacob

Voici un témoignage puisé dans le Figaro artistique illustré de 1931. Un Montmartre de la bohème assez sombre, évoqué par Max Jacob, et correspondant assez mal à l’image romantique véhiculée encore aujourd’hui. Au début du 20e siècle, la vie d’artiste n’était pas si facile qu’on le prétend, et qu’on le prétendait déjà en 1931…

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 « Infendum, regina, jubes renovare dolorem. (1) »

- Comment?

- C’est un vers de Virgile que j’ai appris au collège.

C’est tout ce qui m’est reste de Virgile. Infandum, regina…

- Oui, je voulais parler avec vous de Montmartre.

- Guillaume Apollinaire, le grand poète lyrique de ce temps-là et de tous les temps disait « Montm… » (je ne veux pas effaroucher nos lecteurs). Maintenant, pour moi, Montmartre c’est le Sacré-Cœur, la maison sainte où Dieu s’approche le plus de ses adorateurs. C’est comme Assise ou Saint-Martin de Tours : je ne parle pas de Lourdes où je n’ai jamais rien senti. Vous ne voulez pas que je vous décrive la place du Tertre d’aujourd’hui où le moindre bistro s’orne de monstrueuses pancartes annonçant le dancing et le concert. Vous voulez le Montmartre de 1905 ou 10 ? Hélas Infandum, regina… oui! Les concierges criaient « au Commissaire », du matin au soir. Les enfants déjà gâtés par le cinéma jouaient au policier et au bandit sur le pavé. A 4 heures du matin, des bandes d’artistes encore attablés en pleine rue empêchaient de dormir plusieurs étages d’immeubles.

« Tas de feignants! On voit bien que ça ne fout rien de toute la journée ! Je travaille moi! J’ai besoin de mon sommeil.

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Parfois on voyait passer Utrillo, ce symbole vivant de la Butte, Utrillo sans chemise ni chaussettes, un litre vide sous le bras, de la bave et du sang aux lèvres. Ou bien, assis au bord d’un trottoir, Utrillo rongeant un coin de pain. Un jour un brave homme de peintre « pignochait » devant un chevalet, une vue de la place du Tertre, Utrillo, les bras croisés, contemplait l’ouvrage. A la fin, il n’y tient plus, il prend la toile et la jette au vent. Le peintre se rebiffe. Sa mère qui tricotait lève les bras au ciel. Les agents arrivent. On part pour le commissariat.

« Il faudrait prévenir cette bonne madame Valadon… » dit le commissaire qui connaît son quartier et son monde. Et la pauvre Suzanne Valadon arrivait en larmes.

- II vaudrait mieux le renvoyer à Picpus.

On renvoyait Utrillo à Picpus. Il n’y restait pas longtemps. On l’apercevait encore les bras croisés devant quelque boutique.

« Bourgeois! Voleurs! ça vit du malheur des autres. Oh ! les cochons! »

Utrillo cherchait des pierres et même un pavé et les lançait dans les vitres. Et la scène de l’arrestation recommençait.

Et voilà le Montmartre de mon temps!

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Il y avait le cabaret du Lapin Agile, lieu poussiéreux, obscure rencontre de la misère, des chansons lamentables, du silence et des bruits d’ivrognes. On a voulu défendre ce triste et prétentieux bistro, ce n’est pas moi qui le ferai. Un soir que j’étais là – il fallait bien suivre les amis et vaincre ses dégoûts – un soir donc, quelqu’un s’approcha de moi :

« Vous êtes bien Monsieur Tel ?.. On vous demande dehors » Avant que j’aie eu le temps de rien voir, deux individus me jettent à terre et ne me laissent qu’ensan­glanté. Il parait que c’était une erreur !!!

Ces choses-là allaient jusqu’au crime ! Une fois, on nous appela en correctionnelle comme témoins de moralité un de mes amis et moi. Il y avait eu des coups de feu.

Ah! Montmartre! Les pierrots! La maison de Berlioz et la trace des pas de Lamartine, de Brizeux, de Musset! L’habitation de je ne sais quels saints! Villette et la Vachacade ! Le Chat-Noir et toutes ses futures gloires, les dernières vignes et les restes peut-être des abbesses, amies d’Henri IV.

Un vieillard vénérable qui se disait mon parent vint un jour me voir m’ayant découvert ; il me promena dans Montmartre qu’il habitait depuis 1860, vieux peintre qui n’avait jamais peint. Il me montrait des maisons historiques : « Ici logeait Bal1anche. Victor Hugo coucha chez lui le 2 décembre 51 avant de partir pour Bruxelles … George Sand recevait le mardi. Nous venions voir les files de fiacres devant sa porte. Ici, rue des Rosiers, les artilleurs tiraient sur Saint-Denis où se trouvaient les Prussiens. Ton père, ton oncle et moi nous y étions. De cette fenêtre, ici, une femme nous jetait des fleurs. Voilà la mairie de Montmartre, c’est le théâtre Montmartre. Les mégères du quartier pour­suivirent Clemenceau qui était maire, de chambre en chambre, à propos de « cartes de pain », Clemenceau gagna le jardin et sauta le mur de la rue d’Orsel. Rue Germain-Pilon, habitait un petit tailleur sa femme accoucha d’un garçon pendant que la duchesse de Berry (?) accouchait d’une fille. On fit une substitution pour assurer la descendance mâle. (Je rapporte les propos du vieux bonhomme). Sur ce banc venait chaque matin rêver Berlioz et nous le contemplions de loin… malheureusement, le jour de son enterrement il y était encore. C’était un faux Berlioz. »

Mes amis et moi nous n’avons pas connu cela. Nous serrions la main à un homme qui se servait d’un talent de graveur pour je ne sais quelles hideuses besognes, à un autre qui vivait de faux tableaux de maîtres et était d’ailleurs un repris de justice. L’un des nôtres et non des moindres ne sortait qu’armé. Un jour, un nommé H… me rencontre place Emile-Goudeau.

« Tiens-moi un instant ce rouleau de papiers. Je vais au 11 et je ne veux pas qu’on les voie. » Il disparaît me laissant dans les mains des titres lavés. Mais il faut vous expliquer ce que c’est que des titres lavés : ce sont des titres volés d’où on a fait disparaître le nom du propriétaire avec du chlore. Je me représente le pauvre enfant que j’étais, debout sous les arbres de la rue Ravignan, tenant un rouleau de titres lavés! Et quels dangers! Depuis ce temps-là j’ai cru en la divine Provi­dence. Combien je la remercie aujourd’hui d’avoir veillé sur les braves et purs artistes que nous étions mes amis et moi. Nous avons tout coudoyé sans nous salir, tout vu comme au spectacle, ri de tout et la pensée ne nous venait pas même de dénoncer les petits bandits, qui s’asseyaient à nos tables et nous tutoyaient. Notre bande était infinie, toujours plus nombreuse, on arrivait de partout, de Montparnasse, du boulevard Saint-Mi­chel. La gloire naissante de deux d’entre nous attirait des provinciaux, des étrangers et même des membres de la plus haute société. Nous rencontrions souvent mêlé à des acteurs, un groupe bizarre : un esthète frissonnant, quatre ou cinq employés des postes et je ne sais qui encore. Ces êtres étaient aussi pauvres que nous, mais ils semaient des pièces d’or et offraient sans cesse de payer à boire. Je dis « offraient de payer à boire » car nous buvions peu, on menait, rue Ravi­gnan, une vie dure et ascétique; on travaillait beau­coup, on inventait beaucoup; les nuits de boisson étaient rares, inattendues et terriblement brutales, folles ! Voici donc ces gens bizarres qui nous étonnaient par leurs nombreux voyages en sleepings, leurs séjours à l’étranger. Un jour, nous apprîmes qu’ils ‘fabriquaient de faux mandats internationaux et qu’ils allaient eux-mêmes les toucher, qu’ils étaient arrêtés et condamnés au bagne.

Ah ! non, je n’aime pas à me souvenir de ce Montmartre! C’était le séjour de la crasse et de la honte.

Je le traverse souvent en taxi pour me rendre à la basilique; je me rencogne dans l’ombre pour ne pas être reconnu et interpellé par les boutiquiers qui furent les témoins et les acteurs de notre histoire et je ferme les yeux pour ne pas voir le spectacle de mes jeunes années si malheureuses et enchaînées là par l’amitié. Je n’ai pas écrit les noms de mes compagnons d’infortune et de labeur: il est souvent très désagréable de trouver son nom dans le détail de circonstances pénibles, je le sais par une expérience personnelle et quand je rencontre le mien agrémenté de mensonges plus ou moins jolis et d’anecdotes toujours fausses, j’en rougis et j’enrage. J’ai insisté seulement sur Utrillo parce qu’il représente bien le Montmartre du début de ce siècle : folie! ivresses de tous genres ! pauvreté! le talent sur le pavé des rues et la grande pureté coudoyant toutes les abominations. Ah ! que l’on construise des immeubles neufs ! Qu’on arrache jusqu’au dernier arbre! Qu’on supprime tout ce qui perpétue les sou­venirs, soi-disant attendrissants de ce que vous appelez la Bohème et que j’appelle la misère, qu’on invite tous les sous-Murger à se taire. Ce sont des écrivains encore plus nuisibles en ce temps de luttes et d’action, que leur maître le fut dans une époque vaniteuse et frivole.

MAX JACOB

 1 : Reine, vous m’ordonnez de rouvrir de cruelles blessures.

Photographies de L. Caillaud

Le Chat noir en tournée… Aux Batignolles!

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Dans mes multiples lectures, j’ai toujours fréquenté le cabaret du Chat noir, et ce depuis mon adolescence. Fasciné par les poètes, chansonniers, musiciens qui le fréquentaient, (dont Alphonse Allais et Erik Satie pour ne citer que les plus connus) j’ai rêvé de voyager dans le temps et de venir rue de Laval (auj. rue Victor Massé, 9e) de pousser la porte du cabaret, de m’asseoir devant un bock et d’écouter chanter Yvette Guilbert, d’admirer le théâtre d’ombre et de rire au récit d’un charmant monologue.

Grâce à Jean Grimaud, metteur-en-scène, mon complice ami, je peux enfin donner de l’épaisseur à mon rêve. Je vais pousser la chansonnette, déclamer et surtout regarder mes compagnons de scène… Le formidable travail collectif accompli par chacun va me permettre, non-pas d’assister au spectacle du Chat noir, mais d’y participer, comme acteur. L’adolescent des années 70 n’en demandait pas tant! 

Merci à tous, au Rififi et à la compagnie Clarance qui me permettent une fois de plus de m’embarquer – en votre compagnie! – pour un fabuleux voyage…
Et après, si vous voulez m’offrir un bock… Je serai votre homme!

Le Chat noir en tournée… Aux Batignolles !

Vendredi 14 sept. 2012 à 20h – Mairie du 17e, 18 rue des Batignolles, 75017 Paris

 Samedi 15 sept. 2012 à 15h et 20h,

Dimanche 16 sept. 2012 à 15h et 19h

Amphithéâtre du lycée Saint-Michel, 47 rue Ganneron, 75018 Paris

 

Par l’atelier d’histoire locale du 17e, coproduction Du Rififi aux Batignolles,

Compagnie Clarance, Les Mauvais Joueurs.

Après une absence de plus d’un siècle, les conteurs, poètes et chanteurs du célèbre cabaret de Montmartre, reviennent pour une tournée exceptionnelle aux Batignolles ! Retrouvez, pour un moment de rire, de chansons et de belles lettres, ce lieu désormais célèbre dans le monde entier, ressuscité pour vous, avec talent et humour, par l’atelier d’Histoire locale du 17e.

 Participations aux frais pleine : 8€ – PAF réduite (étudiants, chômeurs, retraités et de -18 ans) : 5 €

Réservation  par téléphone : 06 01 63 48 21

Signature et Chat noir… Qu’on se le dise!

Demain samedi 8 septembre, dans le cadre du festival « Du Rififi Aux Batignolles », je signerai mes livres

« Paris secret et insolite » et « Paris macabre »

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Rendez-vous à 15 h rue Davy, Paris 17e…

Je vous y rencontrerai avec plaisir!

ET : La semaine prochaine :

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Renseignements  sur  : www.lesmauvaisjoueurs.com 

Interwiew insolite : Fanny et le « Temps d’élégance »

Il faisait beau ce jour d’été… J’avais rendez-vous du côté du Faubourg Poissonnière avec Fanny, une passionnée de costumes anciens. Parvenu à sa boutique, spacieuse et très agréable, elle m’accueillit amicalement en me proposant un thé ou un jus de fruits.

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Arrivé là comme une mouche sur le potage, je m’assis sagement pendant que la maîtresse des lieux créait, à même le corps d’une charmante demoiselle, une robe à falbalas destinée à un mariage… Voulant faire convenable et un peu « vieux style », comme toujours, je proposais de faire un tour dans le quartier pour ne pas gêner… Mais un paravent assurant la bonne tenue et la moralité de l’essayage, ce ne fut pas nécessaire…

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Bien calé dans mon fauteuil crapaud, je sirotais une eau minérale quand Fanny revint vers moi pour l’interview. Vêtue d’un chemisier blanc, d’un jean et chaussée de ballerines, mon interlocutrice n’avait rien d’une image du temps passé. On peut très bien s’intéresser sérieusement à la mode de nos ancêtres sans pour autant rompre avec celle de notre temps.

Ex-laborantine, puis informaticienne, Fanny Wilk, très créative et manuelle, faisait des costumes pour elle qu’elle portait pour de bonnes occasions. Aimant la mode avant toute chose, elle voulait changer de vie et partager avec les autres les connaissances accumulées au fil de ses lectures et de son travail de couture.

Elle a donc ouvert depuis peu cette boutique qui est aussi son atelier et où tout-un-chacun peut trouver des accessoires, de la mercerie, des tissus, et aussi, bien sûr, des costumes, anciens ou reconstitués. Fanny voyage beaucoup pour trouver les matières et accessoires les plus rares que l’on trouve chez elle moins chers qu’au marché Saint Pierre ! Et elle n’est pas avare de conseils pour en trouver.

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Régulièrement, Fanny organise des stages où les couturières-costumières (mais cela peut aussi se conjuguer au masculin !) découvrent l’histoire du costume ou une technique particulière. Elle donne aussi des conférences sur les grands traits de l’histoire du costume, comment se coiffer ou fabriquer un vêtement avec des matériaux de récupération…

Elle a créé il y a quatre ans avec quelques amis une association, Le ministère des modes qui organise des sorties sur tous les thèmes : bain 1900 à Trouville, sorties XVIIIe au château ou des animations sur des thèmes particuliers liés au jeux ou à la cuisine. Cet été, elle a animé une salle de jeu du XVIIIe siècle restée intacte, dans un château du Loiret, en reconstituant, en costumes bien sûr, des jeux de carte et jeux d’argent… Dans cette association fréquentée par très peu d’hommes, on parle beaucoup chiffons!

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Quelques menus propos de Fanny :

« La disparition de matières d’époque qui ne sont plus fabriquées, de tissages qui n’existent plus, est un gros problème, comme la faille, taffetas épais de soie, qu’on utilisait presque toujours pour faire une robe au XIXe ».

« Plus d’usine de passementerie en Europe, il faut maintenant aller en Inde. Plus de fabrication de dentelles. On trouve parfois des équivalents chinois… Mais pas comparable. »

« Pour faire une robe nous ne pouvons pas prendre n’importe quel tissu. Heureusement qu’il nous reste des tissus d’ameublement, et il faut chiner pour trouver des stock de dentelles… Le jour où il n’y en aura  plus nous serons très embêtés. »

« Ce n’est pas parce qu’on est costumier qu’on peut faire du costume historique… Des techniques de coupe, qui ne sont pas visibles à l’œil nu, sont nécessaires à connaître… Il faut étudier… »

«  Je reçois parfois des femmes qui ont dépensé 1000 euros pour leurs robes qui ne vont pas du tout : patrons américains, fermeture éclair dans le dos, taffetas avec des grosses fleurs car elle ont vu qu’il y avait des fleurs à l’époque de Marie Antoinette… »

«  Certains habillages peuvent durer deux ou trois heures, robes fixées par des épingles en argent très délicates à placer. Un ordre dans les jupons… On en oublie un il faut tout recommencer pour un bon « tombé ».

Fanny participe aussi aux jeux de rôle en grandeur nature, historiques, fantastiques… Des gens avec qui elle est assez proche. Beaucoup de fans de ces jeux viennent dans sa boutique, ils doivent souvent changer de costumes… Elle doit vêtir des… morts vivants prochainement. Une occasion de voyager dans sa tête…

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Les clients deviennent des amis de Fanny, souvent, quand ils partagent le même goût et une passion identique pour les costumes bien fabriqués et joliment portés. Le rêve secret de toutes les petites filles peut ainsi se réaliser grâce à cette boutique : devenir une belle princesse digne de fréquenter le château de Versailles ou les palais Vénitiens ! Et cela à n’importe quel âge car le charme féminin est intemporel, comme la beauté de ces parures soyeuses, brodées, finement cousues par des mains passionnées et compétentes !

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Je suis reparti de cette boutique merveilleuse, ébloui par tant de beauté et de charme, et à regret, mais sûr d’y retourner un jour, pour discuter, flairer, caresser à nouveau les tissus et, enfin, retrouver une part subtile et parfumée des temps anciens qui me hantent.

Mademoiselle Fanny, soyez sûre que je resterai,

Toujours,

Votre plus fidèle et fervent serviteur !

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