Archives pour mai 2014

Photographie d’une famille immortelle…

Non, madame, monsieur, mademoiselle, vous ne pouviez pas deviner…

 Ce jour de… 1930, nous dirons 1930 pour arrondir une date qui n’est mentionnée nulle part, vous-vous êtes préparés. Madame a mis sa belle robe des dimanches, avec son col brodé à pois, la petite demoiselle en a fait de même, et bébé a été prié de rester bébé. 

 Ce jour-là, vous-vous êtes transportés chez le photographe du quartier, qui tient boutique là, pas trop loin de votre domicile. Vous-vous arrêtez souvent devant sa boutique et vous admirez, dans la vitrine, les jolis portraits de famille produits par l’habile artisan. 

 Monsieur, l’autre jour, rentrant chez vous et faisant un courte halte devant l’étalage du photographe, vous avez reconnu, parmi les images placées en montre, les bobines épanouies de vos voisins de palier, de braves gens, si prompts à vous emprunter à toute heure du sel, du riz, ou un peu de charbon. Mais vous ne leur en voulez pas… Vous, vous êtes un gentil, et ça se voit sur votre visage…

 C’est alors que vous-vous êtes dit à vous-même :  » mais pourquoi ne conmmanderais-je pas, moi aussi, un portrait de famille à l’artiste? »  Vous avez aussitôt saisi la poignée de porte et êtes entré dans la boutique. Otant votre chapeau, vous avez pris rendez-vous auprès de la charmante demoiselle pour un portrait de famille…

 Vous aviez pris une belle et juste décision, ce soir-là, une fin de journée comme vous les aimez, parfumée et si lumineuse, d’une de ces lumières de printemps qui rends les gens et les choses plus avenants et les femmes, hum… Encore plus belles…

 Mais vous ne pouviez pas deviner… 

 Parvenus chez l’artiste photographe, vous avez un peu patienté puis l’homme de la situation, un véritable artiste aux cheveux longs et au col orné d’une jolie lavallière, vous a introduits dans son atelier. 

- Voilà messieurs-dames, placez-vous-là. Madame à gauche, mademoiselle à droite et le chef de famille au milieu… Veuillez tenir fortement bébé, madame, il serait flou sinon et ce serait dommage!  Voilà… Oui, Mademoiselle, détendez-vous, vous ne passez pas un examen, n’est-ce pas? Ah, attendez monsieur, votre col… Vous êtes d’une rare élégance, cela dit sans aucune flatterie mais là, voyez, votre col, il rebique un peu! Permettez… Non, rien à faire… Ce sera bien tout de même. Votre image  sera pleinement réussie. Bien… Voyons ce que cela donne… Cadrage parfait… Ô quelle beau groupe, quelle magnifique famille que la vôtre… Ah oui, attendons-un peu, bébé est tout rouge, il semble faire… Ah… Voilà… Mais quel charmant enfant! 

 Puis le temps s’arrêta, le photographe indiqua : 

- Ne bougeons plus… Regardez bien ici l’objectif!  Magnifique! Voilà. Merveilleux. Vous serez satisfaits.

 Deux jours plus tard vous êtes revenu, avez admiré la belle image et vous en avez même commandé une dizaine d’exemplaire et acheté un cadre de bois peint pour y placer un agrandissement…

PHOTO INCONNUS132

Non… Comment auriez-vous su? 

La photo a trôné ensuite sur la cheminée de votre salle à manger. Puis, après votre décès, votre veuve y a accroché un morceau de ruban noir. 

Le  temps a passé… Madame est partie aussi, vos enfants se sont partagés vos biens, dont quelques photographies restantes. Bébé s’est effacé à son tour… Son appartement a été vidé par quelques descendants… 

Et, un très joli dimanche de mai 2014, il ont participé à un vide greniers, rue du Faubourg Saint Antoine. Il ont bien vendu. Puis, quand il ont remballé, en début de soirée, le vent s’est levé, à cassé quelques porcelaines, emporté deux ou trois foulards et a saisi une petite photographie, la vôtre, qu’il a déposé là, au pied d’un arbre…

 Le lendemain, ma fille s’est baissée promptement, ramassé la petite photo : 

 - Tiens papa, toi qui aime ça… 

Merci ma fille. Sauvée, l’image de cette famille!

Et alors, madame, monsieur, mademoiselle, bébé, vous ne pouviez pas deviner que je scannerai votre image, que je la placerai sur mon blog, et  que celle-ci, au fil du vent électronique, partirai vers des satellites lointains. Maintenant, le monde entier peut voir votre si jolie famille : 

Vous madame, vous monsieur, vous mademoiselle et vous bébés, devenus immatériels, presque immortels…

Jeudi 15 mai, signature de mon nouveau livre…

C’est demain 15 mai à partir de 18 h 00 :

La LIBRAIRIE DE PARIS et les éditions du Castor Astral

vous invitent à rencontrer Rodolphe Trouilleux pour son nouveau livre

Paris Fantastique – Histoires bizarres et incroyables.

PF 2

LIBRAIRIE DE PARIS

7-11 place de Clichy, 75017 Paris

Que serai-je à cinquante ans?

Alors que mes pas me font marcher quotidiennement dans ceux de Jean de la Ville de Mirmont, mort au front en 1914, j’ai découvert cette petit perle, que je pourrai reprendre mot à mot tant son propos semble contemporain! Un texte extraordinaire de lucidité et de sensibilité

 

Jean de la Ville de Mirmont

Que serai-je à cinquante ans?

Réponse à une lettre de son père

 25 janvier.

 Je connais ton opinion habituelle sur Paris. Mais il y a plusieurs Paris et celui que j’habite n’est, à aucun point de vue, bâti sur un fond de boue. Il nage en plein courant, au milieu de la Seine. Quelques ponts le rattachent au Paris de la politique et des affaires. Je les traverse rarement. J’estime fort, d’autre part, la trirème Bordelaise (malgré ces commerçants fraudeurs qu’on y rencontre trop souvent; je ne dirai point pour le plaisir de jouer sur les mots que cette trirème est une galère). Mais, si je n’y suis pas resté, c’est parce que je n’avais point de place parmi les rameurs.

J’en arrive à ma situation personnelle. Que serai-je à 50 ans? Mon Dieu, si je vis encore, j’espère être un honnête homme et un homme honnête. Le rang que j’occuperai alors dans mon métier servile m’importe peu. Mes ambi­tions sont ailleurs. Elles ne résident point, néanmoins, dans une carrière de «gens de lettres ». Pour ma part, je m’occupe de littérature pendant mes heures de liberté et en dehors de tout souci de gain ou de succès.

Lorsque le fantôme de la trentième année viendra me visiter, je lui dirai ceci: « Oui, j’ai perdu pas mal d’années de ma jeunesse à des travaux sans joie. Nous vivons dans un siècle où chacun doit gagner sa vie, dans un siècle « à mains », comme on l’a défini assez bien. J’en ai pris tristement mon parti. En revanche, j’ai employé mes loisirs à me cultiver, à me déve­lopper intellectuellement le plus possible, mal­gré les circonstances. Je ne souhaite que d’arri­ver un jour à pouvoir m’estimer moi-même.

df

La notoriété s’acquiert aujourd’hui par des procédés dont je me sens incapable. On lance un livre de la même manière qu’on a lancé les pastilles Géraudel ou le cacao Bensdorp. Je manque des qualités nécessaires. J’aspire uni­quement à faire de « la bonne ouvrage », comme disent les ouvriers consciencieux. Y parviendrai-je? L’important est de le tenter. L’art a sa récompense en soi.

J’ajoute que je ne crois pas pouvoir chan­ger d’attitude lors de mes prochains livres. Je n’ai même pas mis de dédicaces flatteuses sur les exemplaires adressés aux critiques que je ne connais pas personnellement. Ce genre habituel de politesse ressemble trop à la platitude du mendiant qui salue pour avoir un sou. N’empê­che qu’on a parlé de mon livre avec une certaine amabilité – surtout chez les jeunes – et j’ai appris que des personnes dont l’opinion m’est le plus précieuse après la tienne, celle de Maman et celle de quelques amis, avaient approuvé mon essai.

Au revoir, mon cher Papa. Je sais que j’ai tort de manifester dans l’existence un excès de fierté bien déplacé, bien paradoxal au temps où nous vivons mais c’est à ton seul exemple que je dois ce léger travers.

 Je t’embrasse bien tendrement.

 Ton fils, JEAN

Le fantôme de la trentième année ne vint jamais visiter Jean de la Ville, devenu Fantôme lui-même. Il eut tout de même le temps de publier un subtil chef-d’oeuvre, « Les dimanches de Jean Dézert » témoignage de la noblesse et de l’extrême sensibilité du jeune homme.

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